Agusti Centelles (1909-1985) est un des plus grands photographes espagnols. On le compare même à Robert Capa, tant leur travail durant la guerre civile est d'une qualité proche. Une exposition à l'Hôtel de Sully, à Paris, lui rend hommage. C'est sa première personnelle, en France.
Centelles est le prototype du photojournaliste - en
Espagne, on dit joliment
reporter graphique. Il est un des premiers, au tout début des années 1930, à
utiliser le léger appareil Leica pour des
reportages publiés dans les journaux de Barcelone, en particulier
La Vanguardia. Il photographie tout : cérémonies officielles, événements sportifs, danseuses de cabaret ou enfants des rues. Son
style est plus humaniste que moderniste.
La guerre civile va lui
donner l'opportunité de s'
affirmer comme photographe de guerre. Dès les premiers jours du coup d'Etat du 18 juillet 1936 contre la République espagnole, il réalise parmi ses plus belles photos dans les combats que mènent les habitants de Barcelone contre les militaires : un milicien debout pointe son fusil au coin d'une rue, un combattant improvisé se sert d'un cadavre de cheval comme barricade - Centelles a recadré pour
gommer un intrus debout à côté du cheval. Il réalise aussi, sans doute par hasard, la seule photo de l'écrivain George Orwell parmi les miliciens du POUM (Parti ouvrier d'unification marxiste).
Après
avoir passé les premières semaines de guerre civile à Barcelone, Centelles s'engage comme photographe de l'
armée loyaliste couvrant tous les fronts. On le retrouve en Aragon avec les Allemands des Brigades internationales ou dans les combats de rue de Teruel à l'hiver 1937. Début 1939, emportant son Leica et des milliers de négatifs, Centelles doit
fuir vers la France comme des centaines de milliers de gens, jetés sur les routes, fuyant l'avancée franquiste.
SON JOURNAL DE DÉTENU
Interné d'abord au camp d'Argelès puis dans celui de Bram, il finit par
obtenir un travail chez un photographe de Carcassonne. En 1944, il retourne en Espagne en laissant en France ses négatifs de la guerre qu'il ne retrouvera qu'en 1976 après la mort du dictateur Franco.
Survient alors la redécouverte du photographe, à travers plusieurs hommages, dont sa plus grande exposition, en 2006 à Barcelone - celle de Paris en reprend des éléments.
Actes Sud publient une solide monographie du photographe catalan, mais l'exposition est un peu décevante. La salle principale, déjà ingrate, est transformée encore plus en bunker. Estimant qu'on ne peut
traiter des photos de presse comme des oeuvres d'art au mur, Miquel Berga et Manuel Cirauqui ont tenté une muséographie originale. Ils ont posé les photos - des tirages récents assez moyens - sur des bas flancs à mi-hauteur d'homme. C'est le meilleur de Centelles pendant la guerre d'Espagne qui est présenté avec ce dispositif. Quelques journaux d'époque et des diaporamas complètent le dispositif.
La deuxième partie de l'exposition, dans une autre salle, revient à un schéma classique avec photos encadrées au mur. Pourquoi ? C'est curieux. Mais c'est la plus intéressante. Elle présente le travail de Centelles, interné au camp de Bram (Aude), qui photographie ses codétenus. Une vitrine contient l'album contenant ses petits tirages d'époque et le cahier d'écolier où il a rédigé son journal de détenu. Rien que pour ces documents merveilleux, repris en partie dans le petit catalogue, cette exposition vaut le détour.
"Agusti Centelles, journal d'une guerre et d'un exil, 1936-1939". Hôtel de Sully, 62, rue Saint-Antoine, Paris 4e. M° Saint-Paul. Tél. : 01-49-74-47-75. Jusqu'au 13 septembre.
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